Auranella (série)

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AURANELLA
Scénariste Michele Gazzari
Arnoldo Piero Carpi
Dessinateur Floriano Bozzi
Nom V.O. Uranella
Éditeur V.O. Bianconi

Auranella  Série italienne appelée Uranella parue simultanément chez Bianconi et en France.

Cette série parait simultanément en Italie sous le nom de Uranella aux Éditions Bianconi Milano pendant la même période d'Août 1966 à Mars 1968.

Le Dessinateur

C'est l'italien Floriano Bozzi (1926 / 1995) qui dessine les aventures d'Auranella.

On lui connait un autre série : le western Les Quatre Magnifiques paru en France dans le petit format Brik

Floriano Bozzi a un style très facilement reconnaissable.

Spécialiste des illustrations, il a essentiellement travaillé sur les couvertures de petits formats adultes comme : Bora-Bora, Astrella, Auranella, Diabolik, Jaguar, Série Rouge, El Desperado et bien d'autres... mais également sur quelques couvertures dans un genre différent, comme : Akim (1re série), Bengali, Ombrax, Mustang, Whipii!, Carré d'As, des Dan Panther, etc.

Les Scénaristes

2 scénaristes Italiens pour les 20 épisodes de la série : Michele Gazzari et Pier Carpi‎‎.

L'Histoire

L'histoire se déroule dans une lointaine galaxie.

L'héroïne Auranella est une ravissante jeune femme, princesse de la planète Bala. Auranella a parmi ses prétendants Tanatos un puissant magicien, tyran de son état, de la planète Styx où il commande une armée de monstres esclaves. Il convoite la belle et lui propose de l'épouser, mais n'étant pas un prix de beauté, il est éconduit sans ménagement par cette dernière. Mauvais perdant, il doit être chassé du Palais par le père d'Auranella. Humilié, il rumine une terrible vengeance ! Auranella va finalement épouser son prince charmant Apollo. Mais la veille de ses noces on apprend qu'un autre homme l'aime en secret, le bel Antar, chef de la garde. Désespéré mais aussi résigné par ce futur mariage, il veut admirer pour la dernière fois la princesse dans un lieu absolument interdit aux hommes ; malheureusement il est découvert. Arrêté par sa propre garde, il est condamné à mort puis gracié in extremis par la princesse troublée par cet Apollon. Mais lui n'a désormais plus le choix il doit quitter définitivement Bala.

Mais entre-temps, Tanatos attaque Bala avec un nuage mortel, tous vont mourir ou presque, sauf la princesse sera sauvée par l'héroïque Antar. Maintenant nos deux héros sont déterminés à venger leurs familles. Ils vont vivre des aventures fabuleuses à la recherche de Tanatos et de sa mystérieuse planète. Mais le sorcier n'est pas loin et avec sa magie noire, il va tout faire pour détruire nos deux héros.

Thématique

Si Barbarella est supposée fille de la barbarie, si Vampirella est une vampire, Uranella est une fille du ciel, Uranus chez les Latins, Ouranos chez les Grecs étant le dieu du ciel étoilé, Uranie la muse de l'astronomie.

Son nom francisé Auranella évoquerait l'or, latin aurum d'une racine signifiant « briller » d'où viendrait aussi le mot « aurore » ; la brise, latin aura. Fille du ciel ou fille des astres ou fille de la clarté ou fille du vent.

Évocation d'un monde de féerie crépusculaire.

On y nourrit des géants de pierre du suc de plantes carnivores, on lance les reines en disgrâce dans le vide infini à bord d'une sphère de cristal, on pénètre dans "le temple noir des sacrifices" pour y invoquer "les êtres du monde des ultra-corps", on change des jeunes femmes en guerrières sans esprit en remplaçant leur sang par du mercure, une épée enchantée perd son pouvoir si on la plonge dans le corps d'une Grande Chimère, des statues de glace de prêtresses ailées gardent l'entrée du royaume des morts.

Y règnent les visions oniriques de reines et magiciennes à la beauté parfaite attendant la fin de leur solitude étendues sur des coussins et des sofas sous une verrière, ou l'une glissant à travers les airs dans un attelage de cygnes, ou l'autre portant un casque à longues épines, dans une perpétuelle ode à la silhouette féminine.

II

Science-fiction mythologique, Auranella présente plusieurs aspects. Comment s'articulent-ils ? Détaillons.

Les titres évoquent espace, planète et galaxie. La science-fiction est convoquée. Auranella est présentée comme princesse d'une planète lointaine. Qu'en est-il par ailleurs ?

Au commencement se met en place une structure modèle qui se répète d'un fascicule à l'autre. Ainsi les premières cases des premiers épisodes montrent les deux personnages principaux, Auranella, Antar, à bord de leur nef spatiale traversant les espaces ; ils découvrent une planète inconnue, s'y posent. Les dernières cases montrent de façon symétrique le vaisseau qui quitte l'astre et reprend son errance, à la manière des "Conquérants de l'espace" de Météor.

L'aspect science-fictif se réduit essentiellement à ce seul élément, l'évocation d'un véhicule spatial afin que les deux personnages se déplacent de contrée imaginaire en contrée imaginaire. Ce recours présente un avantage : les progrès de la technologie permettent à un seul personnage de conduire un vaisseau spatial là où le vaisseau terrestre d'Ulysse demandait tout un équipage. Une fois résolu en ouverture de récit le déplacement d'un lieu de fantasmagorie à son suivant, une fois la nef posée sur le nouveau monde de l'épisode, la science-fiction s'efface et laisse place à un déroulement qui relève désormais de la mythologie et de la féerie.

Les autres éléments conventionnels du space opera n'ont donc ici pas cours : nulle arme projetant flamme ou rayon ou bombe, nul homme d'aluminium et d'électricité cliquetant, nulle machine étincelante aux possibilités sophistiquées, nul réacteur dorsal à la manière de celui d'Adam Strange, et l'on ne voyage sur ces mondes qu'à cheval ou à dos d'animal volant.

Tout juste peut-on signaler – exceptions notables – la "machine radiante" qui efface la volonté dans "Tanatos le maléfique" et le sage astronome Mirior et son télescope géant dans "La sphère de cristal".

L'aspect science-fictif d'Auranella est définitivement mineur, en dépit d'une apparence première.

III

Posés sur le nouveau monde à explorer, les deux personnages sont comme Ulysse mettant pied sur un nouveau rivage. Le véhicule spatial joue de fait la fonction de machine à voyager dans un monde de mythologies anciennes et assimilées – et s'articule ici le deuxième aspect, mythologico-féerique.

Ce qui frappe le regard dès le début de chaque récit est le décor, indéfiniment réduit à des déserts de pierres où se dressent quelques pitons rocheux.

Presque aucune végétation ne pousse dans ces mondes, nul bois, nul bosquet, nulles broussailles, nulle prairie, là encore à quelques rarissimes exceptions près comme la forêt luxuriante de l'astéroïde Likénia des "Hommes de pierre". Mais plutôt que de couverture végétale d'un monde, il s'agit dans ces cas rares davantage de quelques plantes aux vertus singulières, tantôt l'arbre vivant et les plantes carnivores dont le suc nourrit des géants de pierre ("Les vampires de l'espace"), tantôt la fleur géante Mikroflor qui a le pouvoir de rapetisser ceux que l'on jette entre ses pétales ("À l'ombre de la mort"), tantôt la plante Toxica dont la piqûre des épines transforme en être végétal et la fleur du labyrinthe dont les graines en fournissent le contrepoison ("La fleur de la vie"), tantôt quelques hautes herbes vivantes et une grande plante carnivore ("L'incube noir"), tantôt enfin la forêt maudite aux arbres nus de la planète des harpies ("La reine des harpies").

Plus marquantes encore, certaines végétations sont en réalité de pierre, les forêts pétrifiées des planètes Styx et Lénok ("La terre invisible" - "L'incube noir") ou le gigantesque tronc dénudé de Marlabius ("Les amazones immortelles"). Quant à l'oasis aux arbres chargés de fruits de la planète Kainor, elle n'est qu'une illusion qui s'évanouit en un instant pour laisser place à un désert brûlant ("Les prêtresses de Kainor").

Les éternelles surfaces pierreuses arides se doublent d'enchevêtrements de cavernes et de contrées souterraines tout aussi dénudées, emplies d'obscurité. Les habitants de ces mondes vivent dans des villages troglodytes et des palais rustiques taillés à même le roc, et seules les reines habitent des demeures aux dômes de verre.

Le lecteur y gagne sans doute de trois manières.

Ce caractère désolé d'un décor sans cesse réduit à la sécheresse du roc s'accorde bien à l'errance quasi désespérée d'Auranella et Antar à la recherche de leur ennemi. De plus, cette constance rocheuse confère un sentiment de dénuement un peu à la manière d'une scène de théâtre antique où tout détail superflu est absent afin de recentrer l'attention du spectateur sur les protagonistes et l'action. Ce dépouillement du décor chercherait-il à conférer un certain caractère tragique à ces récits mythologiques ?

Enfin, un tel décor exagérément marqué dans son caractère, si amplement différent de ceux de nos habitudes, permettrait peut-être d'extraire le lecteur de ses propres références d'environnements, de ville, de campagne, de bord de mer, pour le faire entièrement pénétrer dans un espace où ses repères n'ont plus cours.

IV

À peine arrivés sur chacun de ces mondes austères, Auranella et Antar se voient immanquablement séparés selon un canevas décliné avec quelques variantes d'épisode en épisode.

La première joue le rôle de victime et se fait enlever par un peuple primitif ou se voit soumise à la rencontre d'un être monstrueux, monstre animal affamé ou monstre humain concupiscent. Le second rencontre une reine ou une magicienne esseulée et d'une beauté enivrante, ou se fait subjuguer par le charme tout aussi irrésistible d'une créature infernale créée par Tanatos.

Tanatos – Morbus dans la version originale – est le troisième personnage clef du récit. Sorcier habitant la planète Styx – Inferia en italien –, il est sans cesse montré dans son laboratoire obscur en haut d'une tour biscornue, entouré d'appareillages de globes de verre et de cornues peuplées d'homoncules, en compagnie de gnomes difformes et d'un squelette vivant et portant une invariable fouine sur l'épaule.

Pour punir Auranella qui l'a rejeté, il envoie une nuée "hyperspatiale" sur la planète d'Auranella plongeant sa population dans un lieu mal défini nommé "Limbes de l'espace" ou "Hyperespace" où elle demeure prisonnière. Parmi les victimes figurent Apollo, promis à Auranella, et le père d'Auranella.

Trouver la planète Styx et le repaire de Tanatos pour l'obliger à libérer son peuple est donc le motif de la quête d'Auranella aidée par son ancien chef de garde, Antar, amoureux sans espoir de la princesse.

C'est de son laboratoire que Tanatos ne cesse de faire appel à ses pouvoirs occultes pour envoyer vers Auranella et Antar à sa recherche des créatures maléfiques, sorcière pouvant changer d'apparence à volonté, femme de feu, scorpions ailés, formes féminines au physique de déesses qu'il crée pour séduire Antar et le détourner d'Auranella et leur mission.

V

De récit en récit, Auranella se fait tantôt attaquer par des animaux géants, araignée, guêpe ou reptile ; ou tantôt se retrouve la proie d'un défilé de monstres humains masculins qui n'ont plus qu'une idée en la voyant, venir lui effleurer les lèvres. C'est du moins ce que le dessinateur montre au lecteur, mais on peut supposer bien pire. De par sa beauté suprême, fascinant le dieu lui-même de la beauté ("La fin de Tanatos"), Auranella exacerbe les pulsions sauvages d'une suite de personnages tous aussi repoussants et sinistres.

Le cornu Cryptus ("Les fantômes de la galaxie "), l'homme-lion ("Tanatos le maléfique"), un homme aux cheveux de serpents, Gorgone au masculin ("Les vampires de l'espace"), un homme sans visage portant un fragile masque de cire et un autre aux serres d'aigle ("La planète maudite"), le décharné maître des serpents du "Royaume des morts", l'adipeux roi des eaux souterraines ("La terre invisible"), le singulier maître des momies vivantes Ammon ("Les squelettes vivants") et d'autres qui n'ont rien à leur envier, se succèdent tour à tour contre le corps d'Auranella. Quand elle croise un homme au visage plein d'attrait, il porte un masque de cire cachant sa véritable apparence ou se change en homme-chacal au premier rayon de lune ("La fleur de la vie") ou se révèle être une illusion créée par un sorcier ("Le retour de Tanatos"). À moins que ce soit le dieu de la beauté lui-même qui souhaite faire d'elle une déesse, mais dont elle doit se défaire pour lui voler un bien ("La fin de Tanatos").

C'est vers la fin de l'épopée, dans l'épisode tardif "Le char du soleil", qu'Auranella a quand même droit aux caresses du dieu solaire.

À l'opposé, Antar ne cesse de rencontrer de jeunes reines et magiciennes solitaires attendant indéfiniment la venue d'un mâle séduisant et prêtes à toutes les manœuvres pour le retenir, philtre d'amour, regard hypnotique et manigances diverses. Et là apparaît un troisième aspect de cette série, un certain caractère harlequinin.

D'épisode en épisode, une femme vertigineuse remplace une femme étourdissante qui vient de remplacer une femme ensorcelante dans les bras d'Antar, qu'il s'agisse d'Electra, reine des femmes ailées de la planète Apilux, de Dorea, fille du roi du monde sous-marin d'Elios, d'Amanda, reine des hommes-gorilles cornus du souterrain monde de cristal de Crypto, de Néréa, magicienne qui se repaît de la douleur d'autrui, d'Astis, magicienne qui hypnotise ses victimes avec les notes de sa harpe, de la reine du royaume des morts, de la reine de Styx ou la déesse-sans nom de la même planète, d'Erika, sybille de la planète Marlabius, de la princesse de la planète Pulchrius, tour à tour de Glaïeul, reine d'une île de Lilion, la sorcière Myosotis et la princesse Iris du même monde, de la plus que fourbe Nééra qui veut faire commettre à Auranella un assassinat, de la reine des singes de la planète Lénok, de la grande-prêtresse Moira qui elle aussi veut faire d'Auranella une criminelle, de la magicienne des femmes-panthères, de la sorcière Aueia reine des harpies, avec à la clef quelques dialogues au parfum d'eau de rose. Reines comme magiciennes comme guerrières comme esclaves et comme les créatures maléfiques créées par Tanatos pour abuser Antar sont toutes des jeunes femmes à la beauté d'exception, et le dessinateur Floriano Bozzi sait effectivement les réussir.

Mais Antar soit ne succombe malgré lui à ces ensorceleuses que sous l'effet d'un philtre ou d'un regard hypnotique, soit feint d'être séduit pour mieux s'enfuir plus tard, car il n'est épris que de la seule Auranella et reste fidèle à sa passion. Rarissimes cas inverses, quand par deux fois il entre dans un labyrinthe, de la planète Styx puis de la planète Lilion, c'est lui qui fait découvrir la sensualité aux magiciennes qui y demeurent et en ignoraient tout ("La fin de Tanatos" - "La fleur de la vie").

Quand Antar est indéfectiblement sous la coupe de l'une de ces enchanteresses, les spectres d'Apollo et du père d'Auranella savent lui apparaître pour briser l'ensorcellement et lui rendre ses esprits.

Ironie, quand Auranella consentante s'offre à lui, il s'agit d'une atroce sorcière envoyée par Tanatos et qui a pris son apparence ("Tanatos le maléfique").

VI

Sous leur charme envoûtant, reines et magiciennes cachent parfois une perfidie et une cruauté à la mesure et en usent pour parvenir à leurs fins. Elles utilisent pouvoir hypnotique et stratagèmes pour s'emparer de l'esprit des hommes.

Mais il y a pire. Dans "Les fantômes de la galaxie", Electra fait jeter Auranella dans un ravin pour en détourner Antar. Dans "La sphère de cristal", la reine des femmes-tigres Férina fait exiler la reine légitime en la perdant dans le vide spatial. Dans "Les hommes de pierre", la magicienne Néréa se repaît de la douleur d'autrui et change à volonté les hommes de son harem en pierre. Dans "Le royaume des morts", une magicienne traverse d'un coup d'épée une danseuse parce qu'Antar la désignait comme la plus belle du ballet. Dans "À l'ombre de la mort", la sybille de la planète Marlabius change Antar en animal de compagnie pour le garder près d'elle. Dans "La fleur de la vie", la reine Glaïeul veut faire exécuter Auranella et Antar qui viennent de lui rendre sa beauté.

Les personnages "positifs" de leur côté ne font pas toujours preuve de compassion et de clémence. La reine Hyménée transperce elle-même d'un coup d'épée sa sœur Electra pour la punir de lui avoir ravi son trône ("Les fantômes de la galaxie"). Les prêtresses de la planète Kainor égorgent leur grande-prêtresse Moira qui les a dupées ("Les prêtresses de Kainor").

Antar lui aussi brandit souvent l'épée pour mettre à mort tout ce qui s'oppose à lui, voire par punition, et ce ne sont pas seulement les êtres monstrueux peuplant les mondes de cette galaxie ou les créatures de Tanatos. Il jette sur des lances la reine Férina dans "La sphère de cristal", il traverse de son épée la mère âgée de l'homme aux serres dans "La planète maudite" ou la reine Glaïeul, meurtrière de son frère, dans "La fleur de la vie", ou encore une reine nommée Warika sans raison très précise ("L'œil magique").

Enfin Auranella elle-même ne se contente pas de mettre à mort par le poignard ou par la ruse ses prétendants indélicats. Elle poignarde sans hésitation un garde pour délivrer Antar ("La sphère de cristal"), jette pour la punir une jeune-femme dans la toile d'une araignée géante ("À l'ombre de la mort") et va jusqu'à faire mourir un dieu en lui faisant regarder sa propre image afin de lui voler une arme magique ("La fin de Tanatos ").

Tanatos incarne la malfaisance. Dans son laboratoire obscur, il élabore ses sombres sortilèges, nuée létale, sorcières et créatures trompeuses. Il anéantit le peuple entier d'une planète pour faire souffrir Auranella ("Les fantômes de la galaxie"). Il dupe Antar pour l'empêcher de ramener à la lumière l'ombre d'un ermite ("Le royaume des morts"). Il ressuscite les hommes-loups morts dans une bataille afin qu'ils exterminent la reine de Styx et ses guerrières ("La terre invisible"). Il offre en sacrifice une jeune vierge pour invoquer la Grande Chimère ("La fin de Tanatos"). Il n'a de cesse d'utiliser toutes les ressources de ses connaissances occultes pour tenter de faire périr Antar et s'emparer d'Auranella.

Mais s'ajoutent l'aspect sinistre des lieux pierreux et souterrains, la présence continue d'êtres difformes et hostiles et aussi la brutalité et l'absence de magnanimité que montrent les personnages humains y compris parfois Auranella et Antar, et quelques scènes cruelles comme la mise à mort de femmes plongées dans de la poix bouillante lors d'un mariage royal ou jetées à des fourmis géantes ("L'incube noir"), ou celle de la jeune vierge brûlée vive par une horrible sorcière qui lit l'avenir dans le fumée de sa chair ("La sorcière de l'espace"), et tout cela se conjugue pour achever de placer cette ténébreuse mythologie sous un quatrième signe, celui d'une indéfectible noirceur.


VII


Sur ce schéma se déroule dès lors, perpétuel "défilé de féeries" pour citer Arthur Rimbaud, une longue odyssée emplie de visions et de fantasmagories où se succèdent les visites de royaumes nocturnes, les rencontres avec des êtres fabuleux de toute nature, les enchantements de reines et magiciennes en attente d'un amant, les pièges incessants de Tanatos visant à contrer la quête d'Auranella et Antar, et les exploits des deux personnages pour triompher de leurs épreuves.

Voyons plusieurs exemples.

Sur l'astéroïde Likénia, un certain Janus fait torturer des victimes de passage par ses gnomes pour subjuguer et profiter d'elle la magicienne Néréa, grisée de plaisir par la souffrance d'autrui. Ladite Néréa, de son côté, change en pierre les hommes de son harem masculin et ranime parfois l'un d'eux le temps de satisfaire sa sensualité ("Les hommes de pierre" ; en italien : "Les amants de pierre").

Sur la planète Styx, Auranella et Antar doivent entrer dans une caverne défendue par un crabe géant afin d'y prendre une épée d'or. Pour cela, Auranella tue par la ruse un cyclope géant et s'empare de son anneau d'invisibilité. De son côté, Antar a rencontré la déesse-sans-nom, laquelle, à sa vue, est devenue débordante de sensualité et, désobéissant à Tanatos, l'a rendu invisible pour le mettre à l'abri du sorcier.

Quand Auranella et Antar se retrouvent, – suivez-moi bien – chacun s'étonne d'être vu par l'autre puisque chacun se sait invisible. Où l'on apprend par conséquent que, précisément, c'est parce que chacun des deux est invisible qu'il peut voir un autre être invisible. Invisibles l'un et l'autre, ils peuvent entrer ensemble dans la caverne sans être vus par le crabe géant gardien de l'épée d'or. Là, et las, les choses se compliquent. Car Tanatos foudroie la déesse-sans-nom qui lui a désobéi, et l'enchantement ainsi rompu, Antar redevient visible au mauvais moment, juste devant la créature monstrueuse. Cette fois, c'est Auranella, pour sa part toujours invisible, qui le sauve de la bête immonde ("La terre invisible"). Les auteurs savent faire preuve d'habileté.

Un épisode se révèle trompeur. Dans "Le royaume des morts", Auranella et Antar abandonnent leur vaisseau spatial et la visite d'une planète pour une autre nature de voyage. Buvant un philtre magique, ils sont transportés de manière instantanée dans les profondeurs de la planète Sybil à l'entrée du royaume des ténèbres.

Dans un décor caverneux au ciel obscur, les statues de glace de trois prêtresses ailées se dressent au seuil de ce monde mythique. Surgit le Prince des ténèbres sous l'aspect d'une sphère de feu, et les trois prêtresses retrouvent la vie pour accueillir les deux visiteurs. Mais la particularité de ce récit dure peu. Ce prologue singulier s'achève vite. La suite en effet montre les ingrédients des récits antérieurs. Auranella et Antar sont une fois de plus séparés, la première redevenant la proie d'un nouvel être libidineux, le second celle d'une autre reine en manque de chaleur masculine.

Le voyage magique au seuil du royaume des morts n'a été qu'une variante très fugitive et faussement prometteuse avant que revienne le schéma déjà connu.

De la même manière, dans "La fin de Tanatos", Auranella est transportée par une nuée magique depuis la planète Styx jusqu'au "ciel où demeurent les dieux". Elle a été choisie pour être élevée au rang de déesse et devenir la compagne du "grand dieu Argh, le dieu de la beauté". Mais là encore, il n'y a guère de différence de décor et d'intrigue entre ce domaine des dieux et les surfaces de pierre désolées des planètes de cette partie de l'univers.

VIII

Après la mort de Tanatos, Auranella et Antar poursuivent leur errance d'un lieu fantasmagorique à l'autre afin de "lutter contre le mal et l'injustice".

Un autre cycle de récits commence, dans lequel l'aspect science-fictif est quasi définitivement effacé.

Auranella et Antar ne sont désormais plus montrés qu'à seulement deux reprises à bord d'une nef spatiale, jusque-là seule référence visuelle à la science-fiction, dans "L'incube noir" et de manière ultime et in extremis dans l'épisode final "La reine des harpies".

La dernière allusion à ce domaine se réduit avant tout à un simple mot, à la mention du fait que les noms des lieux sont ceux de "planètes". Ainsi, dans "Les amazones immortelles", les deux personnages sont d'emblée présentés parcourant le sol d'un monde que l'on nous dit être la "planète Marlabius" et rien de plus. En première case de "La fleur de la vie", ils se trouvent à bord d'un radeau sur un océan, de la "planète Lilion" apprend-on simplement. Plus encore, dans "Les squelettes vivants", "La sorcière de l'espace" ou "L'œil magique", aucun nom ni référence à l'idée de planète n'est même mentionné.

C'est à présent la mythologie qui règne seule.

Dans le même temps, se développent d'autres lignes thématiques dans des structures plus complexes. Le thème des intrigues et des rivalités de cour, certes présent parfois dans des récits du premier cycle, devient déterminant maintenant que celui de la quête d'Auranella et Antar contre Tanatos a pris fin.

Un autre thème, singulier, est celui du personnage féminin blessé par la perte ou le rejet de sa beauté.

Par ailleurs, si Tanatos est mort, il a toutefois des semblables. Ces trois composantes s'entremêlent dans des constructions savantes. Quelques exemples.

Sur la planète Marlabius, la princesse Pervenche, défigurée à la naissance par son père et ayant depuis grandi dans la haine des hommes, se sert du magicien Malexus en l'obligeant à lui créer une armée dans le dessein d'attaquer l'empereur son père et d'exterminer tous les mâles de ce monde ("Les amazones immortelles").

Malexus est un nain au crâne démesuré occupant à l'image de Tanatos un sombre laboratoire de même allure encombré de cornues et de globes de verre. Aidé du minuscule Crisippo, il remplace le sang de jeunes-filles enlevées par du mercure pour en faire des guerrières, les Sémiramis.

Blessée dans son être dès la naissance par la perte de la beauté, Pervenche – en dépit de son nom – est un personnage féminin spécialement cruel. Elle fait ainsi transformer par Malexus les jeunes-filles d'une autre planète en esclaves dénaturés, fouette par ailleurs Antar tombé entre ses mains, fait exécuter Malexus sitôt qu'il a achevé sa mission pour elle, et ambitionne une extermination de masse à la surface de sa planète.

Dans "À l'ombre de la mort", la grande-prêtresse Zérémia, mère de l'empereur Eratos, et le Grand Sage de la cour rivalisent de machinations pour le moins alambiquées pour s'emparer du trône.

De son côté une certaine Corinne veut torturer Auranella en réponse au fait que l'empereur Eratos préfère la beauté des femmes des autres mondes à celle des femmes de sa propre planète. C'est la grande-prêtresse Zérémia qui joue le rôle d'être infernal utilisant des pouvoirs occultes au service de ses manigances.

Dans "La fleur de la vie", c'est une sœur, reine de la terre, et un frère, roi de la mer, qui s'affrontent là encore dans des conspirations échevelées pour chercher à s'emparer du domaine de l'autre.

Par ailleurs, la reine d'une île veut voir périr Auranella et Antar qu'elle juge "trop beaux " tandis qu'elle, victime de la magie, a été changée "en être répugnant, en être végétal".

Dans "L'incube noir", le mage Adelamus devient sous l'influence du Seigneur du Mal un autre sorcier malfaisant, violant et défigurant une reine et sacrifiant de jeunes vierges.

IX

Mais les auteurs peuvent aussi avoir envie – comme pour se faire plaisir – ou besoin – pour ne pas lasser les lecteurs – de s'extraire de leurs propres canevas et chercher d'autres arguments, et c'est ce qu'ils ont tenté dans la dernière partie, de plus en plus débridée, des récits d'Auranella. Allant jusqu'à inverser par jeu certains de leurs codes du commencement. Ainsi :

Dans "Le retour de Tanatos", grâce à une manœuvre un peu abstraite, les gnomes cornus griffus crochus esclaves de Tanatos font revenir à la vie leur maître, et Tanatos ressuscité ambitionne de développer ses malédictions dans de nouveaux royaumes.

Mais Morbus-Tanatos revenu du néant n'est que l'ombre de l'être puissant et terrifiant qu'il a été, et son nouveau règne funeste ne dure qu'un court moment. Dès que le magicien utilise un premier enchantement, si redoutable soit-il, une "décharge de molécules homicides" pouvant anéantir tout être mortel, contre Auranella et Antar, un contre-charme en renvoie à l'instant la puissance contre lui sous la forme d'un crâne humain démesuré le détruisant cette fois de façon entière.

Dans "La sorcière de l'espace", la magicienne personnage féminin central du récit est par retournement de l'habitude une femme énorme et repoussante, elle aussi en attente du mâle qui la comblera, et qui jette son dévolu sur Antar.

De la même manière, dans "Le char du soleil", après tant d'êtres monstrueux, c'est du magnifique dieu solaire qu'Auranella a droit aux caresses.

Quoi qu'il en soit, quelles que soient les thématiques particulières de chacun, les récits entrelacent inextricablement les complots, les tromperies, les trahisons, les maléfices, les lieux obscurs, la mort par l'épée ou par les griffes et les crocs de bêtes infernales, les entités étonnantes et les jeunes femmes à la beauté obsédante, donnant la tonalité d'ensemble à cette singulière épopée d'ombre et de ténèbres.

X

Auranella puise à la mythologie grecque : Pégase ("Les fantômes de la galaxie" - "Les prêtresses de Kainor" - "L'œil magique"), la Gorgone ("Les vampires de l'espace"), Cerbère ("La planète maudite"), l'Hydre de Lerne dont chaque tête coupée repousse, le cyclope et l'anneau de Gygès ("La terre invisible"), le Labyrinthe ("La fin de Tanatos" - "La fleur de la vie"), les Minotaures en l'occurrence ailés ("Les amazones immortelles"), les Blemmyes dont la tête sans cou se confond avec l'abdomen ("À l'ombre de la mort"), les sirènes ("La fleur de la vie"), les Harpies et les Satyres ("La reine des harpies").

Dans "Le royaume des morts", Auranella et Antar descendent à l'instar d'Orphée dans le lieu mythique pour y chercher l'ombre d'un ermite et le ramener au monde des vivants ; mais Tanatos trompe une fois de plus Antar et l'amène à se retourner, et de la même manière que pour Eurydice, l'ombre de l'ermite s'efface. Le roi des dieux lui-même apparaît, tel Zeus, dans "La fin de Tanatos", et le dieu-soleil dans son chat céleste, tel Apollon, dans "Le char du soleil".

D'autres références se mêlent. Dans "La terre invisible", Antar réveille une reine plongée dans un sommeil léthargique par un maléfice en lui baisant les lèvres, procédé éprouvé bien connu. Dans "Les squelettes vivants", une statue de cire joue la fonction du Portrait de Dorian Gray.

Par ailleurs, bien d'autres créatures monstrueuses s'ajoutent à celles de la mythologie classique, à commencer par des animaux géants, innombrables reptiles, pieuvre, chauves-souris, araignées, crabe, fourmis et papillon carnivores et moustiques cracheurs de feu, les hommes-loups, les hommes-taupes, l'homme aux quatre bras, diverses sortes de morts-vivants, et beaucoup d'êtres ailés tels les ptérodactyles, les hyènes volantes et les faucons à deux têtes, l'oiseau à œil unique et aux ailes de chauve-souris tranchantes, et les femmes-vampires, les femmes-libellules de la planète Apilux, la femme-cygne et les hommes-chauves-souris de la planète Avium.

XI

Antar est l'archétype du héros séduisant sachant manier l'épée, vaillant, dévoué, fidèle. Mais il ne montre gère de compassion à l'égard de ses adversaires.

Auranella joue le rôle de victime délicieuse, mais sa fragilité est apparente. Certes, devant les monstres animaux, elle est vulnérable, et c'est Antar qui la sauve régulièrement, engluée dans la toile d'une araignée géante ou attaquée par un saurien tout aussi géant ou l'homme-chacal du labyrinthe de Lilion ou encerclée par une meute d'hommes-loups. Mais elle sait à l'inverse saisir une épée pour en retour sauver Antar du crabe géant gardien de l'épée d'or ("La terre invisible").

Par ailleurs, c'est par la ruse qu'elle sait échapper seule aux bras empressés de ses prétendants monstrueux encombrants.

Tandis que l'homme sans visage l'étreint, elle lui griffe le bras pour que son chien à trois têtes, attiré par l'odeur du sang, le dévore ("La planète maudite").

De pareille manière, tandis que le maître des serpents du "Royaume des morts" lui serre de très près le corps, elle saisit la flûte qu'il porte à la taille et en joue pour prendre le contrôle de ses serpents afin qu'ils l'étouffent.

Elle s'habille et se masque de noir et se fait passer pour la Mort pour décontenancer l'homme aux serres d'aigle ("La planète maudite").

En collant avec de la résine une pépite d'or sur le front d'un cyclope géant, elle attire sur lui la foudre et l'être fabuleux est anéanti ("La terre invisible").

Elle entre dans un bassin empli d'eau pour obliger un dieu, dont la vue est mortelle, à se pencher vers elle et apercevoir sa propre image dans l'eau, se foudroyant lui-même ("La fin de Tanatos").

Ailleurs, elle se méfie quand le disciple d'un magicien lui propose une occasion de tuer ce dernier, et se doute qu'il s'agit d'un piège et d'une mise à l'épreuve dictée par le magicien lui-même ("Les squelettes vivants").

Dans "L'incube noir", elle a l'idée de monter une mise en scène et d'apparaître, ensemble avec une autre femme toutes deux vêtues et masquées de la même manière, à un sinistre personnage afin de le terroriser juste avant qu'Antar le tue.

En cela, elle se montre une émule d'Ulysse trouvant le moyen d'échapper à l'appel des sirènes ou triomphant avant elle mais par un autre moyen d'un cyclope, ou encore une émule de Persée qui n'approche Méduse au regard pétrifiant qu'en regardant son reflet dans un bouclier de métal poli. Toutefois, dans "Les squelettes vivants", la magicienne Neera, maîtresse des morts-vivants et des chauves-souris géantes, l'abuse par sa grâce, ses propos élégants, et de fines mises en scène, pour l'amener à tuer un roi légitime. Antar, se montrant là plus perspicace, perce les tromperies de l'intrigante, et empêche in extremis Auranella de commettre malgré elle un forfait.

Auranella sait faire preuve parfois d'absence de sentiment, et pour parvenir à un but, peut mettre à mort un garde ou même un dieu.

Parutions

  • Auranella N° 1 à 20 (septembre 1966 à décembre 1968)
    • N°1 : Les fantômes de la galaxie (Il pianeta degli spettri - La planète des spectres)
    • N°2 : Tanatos le maléfique (La schiava di Morbus – L'esclave de Morbus)
    • N°3 : La sphère de cristal (La sfera di cristallo
    • N°4 : Les vampires de l'espace (Le vampire dello spazio)
    • N°5 : Les hommes de pierre (Gli amanti di pietra - Les amants de pierre)
    • N°6 : La planète maudite (Il mondo di Inferia - Le monde d'Inferia)
    • N°7 : Le royaume des morts (Il regno dei morti)
    • N°8 : La Terre invisible (La terra dell'invisibile)
    • N°9 : La fin de Tanatos (La fine di Morbus)
    • N°10 : Les amazones immortelles (Le amazzoni immortali)
    • N°11 : À l'ombre de la mort (Gli artigli della morte - Les griffes de la mort ; sur le dos du fascicule : Le royaume des ombres)
    • N°12 : La fleur de la vie (La morte verde - La mort verte)
    • N°13 : Les squelettes vivants (Scheletri viventi)
    • N°14 : L'incube noir (L'incubo nero)
    • N°15 : Les prêtresses de Kainor (Le sacerdotesse di Kainor)
    • N°16 : Le retour de Tanatos (Il ritorno di Morbus)
    • N°17 : La sorcière de l'espace (La strega dello spazio)
    • N°18 : Le retour de Tanatos (Il carro del sole)
    • N°19 : L'œil magique (L'occhio magico)
    • N°20 : La reine des Harpies (La regina delle arpie)

L'édition française a ensuite publié, sous le même titre, les 6 numéros d'une autre série italienne, Jessica.

Auteurs de l'article

  • LEONE René
  • Dominik Vallet
  • Gradatio : Rédacteur d'après les fiches confectionnées par Nutello (Thématique).